Figures et frémissements
8 juin- 6 juillet 2024

dessins et peintures

 

Il y a quelque chose d’énigmatique dans les œuvres de Marc De Bernardis. Comme du reste chez l’artiste lui-même. Quelque chose de timide, d’étrange et d’incantatoire.

 

D’abord, ses forêts touffues au crayon ou à l’encre de Chine, branchues, insondables et par endroits inquiétantes d’obscurité. Elles sont si enchevêtrées qu’elles ressemblent à des jungles impénétrables, à un tapis végétal vibrant de vie et qui pourtant se dérobe, nous laissant à sa lisière ou carrément de l’autre côté du marais. Et puis la scène se présente à l’envers, en négatif comme éclairées par une lune gigantesque. La végétation lumineuse se détache du fond à la manière du dessin à la cire d’un batik. Les arbres apparaissent tels des fantômes avec une sensation d’irréalité. On se croirait dans les bayous de Louisiane.

Pourtant à aucun moment, Marc De Bernardis est assis au bord d’un étang un crayon à la main. Non, cette forêt-là surgit de son imaginaire dans un geste quasi méditatif. Dans son atelier d’Aigle, l’artiste passent de longues heures à laisser émerger cette poésie sylvestre. Ce sont des réminiscences, des sensations et des frémissements intérieurs qui s’expriment dans ce bruissement de feuilles. La forêt de De Bernardis est enchantée, tout à la fois piège mortel, refuge de créatures magiques, espace sauvage, lieu de transformation initiatique. C’est un bois psychique.

L’autre partie de sa création, ses portraits, chiffonnés ou pas, participent du même mystère. Car personne n’a jamais pris la pose dans l’atelier, ni devant un appareil photo. Ces figures peintes à l’huile ou dessinées, émergent directement du théâtre mental de l’artiste vaudois. Marc De Bernardis en parle avec empathie et malice. Il ne cesse de crayonner des personnages dans ses carnets pratiquement à la manière d’un dessin automatique. Puis, certains se retrouvent sur la toile. Ce sont beaucoup de femmes et quelques hommes, toujours au centre de la toile à la manière d’une galerie d’ancêtres. Le spectateur scrute, imagine, invente, complète. L’artiste livre quelques indices mais ses créatures, dont on devine la fragilité, font partie d’une narration dont De Bernardis seul connaît la trame.

Comme avec les arbres, le témoin est embarqué dans une histoire contée, une fable incroyablement évocatrice.
On aimerait s’y soustraire mais déjà on est conquis.